La vérité sur les 35 heures
À peine le gouvernement Valls 2 est-il nommé que les complaintes récurrentes de la droite décomplexée et du Medef sont entendues : haro sur les 35h ! Les libéraux de tous poils nous ressortent leur catéchisme, les 35 heures seraient responsables de tous les maux. Hadrien Toucel, Boris Bilia et Sylvie Aebischer démontrent ici pourquoi les 35 heures sont un acquis fort à défendre.
1) Les 35 heures ont créé de l’emploi
La majorité des enquêtes et évaluations rigoureuses (Insee, Dares, Cnam) partagent un constat : les 35 heures ont permis 350 000 créations nettes ou maintien d’emplois (calcul neutralisant l’effet du contexte de croissance des années 1998-2002) sur la période de mise en place (1988-2002). Le Medef a même refusé de participer aux évaluations de la réforme menées par le commissariat au plan pour éviter de voir ses critiques balayées par les faits.
Sur le long terme, le taux d’emploi France évolue à un rythme très comparable aux autres pays de l’Union européenne (à quinze), qui n’ont pas engagé un processus de partage du temps de travail. Mieux, la France est attractive ! Même si ce critère est discutable, la France représentait 4% des investissements directs à l’étranger (IDE) dans les années 1980, or elle occupe depuis 2002 régulièrement la troisième place mondiale des IDE juste derrière la Chine et les Etats-Unis avec 8% des IDE mondiaux.
2) Les 35h n’ont pas coûté cher aux entreprises
Contrairement aux idées reçues, les entreprises n’ont pas été pénalisées par les 35 heures. Les lois Aubry leur ont effectivement imposé une durée légale fixée à 35 heures (plus exactement, au-delà de ce seuil sont décomptées les heures supplémentaires, la limite légale étant de 48 heures semaine voire 60h sur dérogation). Mais les entreprises ayant conclu des accords ont bénéficié d’aides importantes : une baisse dégressive des cotisations patronales jusque 1.7 fois le SMIC et une aide forfaitaire d’environ 600 euros pour tout emploi au-delà de ce seuil. Surtout, le passage aux 35 heures a conduit les entreprises à renégocier les conditions de travail et elles y ont souvent gagné : c’est désormais le temps de travail effectif qui est décompté (pauses exclues…) et l’annualisation du temps de travail a permis aux employeurs de mieux amortir la durée d’utilisation des équipements. On estime qu’ainsi la hausse du «coût horaire» est passée de 11.4% théoriques à un surcoût réel de 4,5%… vite grignoté par le gel des salaires !
3) Les entreprises ont peu à gagner à la réforme des 35 heures
Depuis 2003, les 35 heures ont été extrêmement assouplies pour toujours plus de flexibilité ! Les lois Fillon en 2003 ou 2005 ont relevé le plafond des heures supplémentaires autorisées à 220 heures par an et généralisent les contournements des jours de récupération notamment par le compte épargne temps convertible en salaire. En 2013, Hollande et son gouvernement ont comblé le Medef : les entreprises confrontées à «de graves difficultés conjoncturelles», ont la possibilité de négocier un accord d’une durée de deux ans maximum dans lequel des baisses de salaire (au-delà de 1,2 SMIC) et/ou une hausse du temps de travail peuvent figurer en contrepartie du maintien de l’emploi.
Mais ces dispositifs ont été très peu utilisés : sur toute la France et en un an, seuls cinq accords ont été signés dans le sillon de la loi de 2013… Et pour cause : une telle réforme signifierait pour les entreprises de remettre sur la table tous les accords négociés lors du passage aux 35 heures et les contreparties consenties par les salariés en échange du maintien des salaires : abandon de primes de fin d’année, de jours de pont, de temps de pause ou de formation… Surtout, tout le système d’allègement des charges accordées aux entreprises devrait être revu : or il a été évalué à plus de 21 milliards d’euros pour la seule année 2010 par le ministère de l’emploi. Et c’était avant tous les cadeaux des gouvernements Ayrault, Valls et autre pacte d’irresponsabilité !
Nous défendons les 35 heures mais pour qu’elles s’appliquent au bénéfice des salariés, il faut renforcer leurs droits dans les entreprises pour qu’ils puissent imposer leurs conditions dans la négociation ! Certains salariés ont en effet vu leurs conditions de travail dégradées par le passage aux 35 heures : l’annualisation du temps de travail et la flexibilité ont intensifié le travail et amené davantage de stress. Les salariés les plus modestes y ont perdu des heures supplémentaires qui représentaient souvent un complément essentiel de revenu… C’est pourquoi, nous refusons la flexibilité et assumons la hausse des salaires ! Un gouvernement éco-socialiste, au service du peule, devra s’attacher à corriger ces imperfections en supprimant les dérogations et en approfondissant le mouvement général de baisse de la durée du travail afin de travailler tous, moins, autrement.
Hadrien Toucel, Boris Bilia et Sylvie Aebischer
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