Rémunérations des traders
Dans cette analyse, Sandro Poli explique pourquoi l’encadrement européen de la rémunérations des traders et des banquiers n’empêchera pas ceux ci d’être surpayés.
Le 16 avril dernier, le Parlement Européen a adopté dans le cadre de Bâle III un règlement visant à plafonner les bonus des banquiers. Il rentrera en vigueur en 2014, soit un an plus tard que prévu, ce qui laisse aux banques tout le temps nécessaire pour contourner la législation.
Il peut-être utile de rappeler que parmi les 1 000 salariés français les mieux payés, 40 % travaillent dans la finance. En 2007, le top 100 des cadres de la finance en France était payé 4,6 millions d’euros par an en moyenne.
Le règlement prévoit que la rémunération variable des traders et cadres dirigeants des banques ne soit pas supérieure à la rémunération fixe. Il existe deux exceptions :
1. Si les actionnaires sont d’accord (majorité qualifiée de 66% des actionnaires détenant au moins 50% des actions), la part variable pourra atteindre le double de la part fixe.
2. Si 25% de la rémunération variable est versée avec un décalage d’au moins 5 ans, la part variable peut alors être supérieure à une ou deux fois la part fixe !
Analyse critique du règlement européen sur la rémunération des traders.
1. La flexibilité semble devoir s’appliquer à tous, sauf aux banquiers ! La législation aura pour effet paradoxal d’inciter les banques à augmenter la part fixe pour conserver une rémunération totale équivalente. C’est ce qui s’est d’ailleurs passé en 2009 et 2010. Le règlement se focalise en effet sur les bonus et ne limite d’aucune façon la rémunération totale. Dans une enquête du Financial Times on apprend que les banques tentent déjà de reclassifier les « bonus » sous forme de salaire fixe.
2. Par effet de roulement, le principe du salaire différé permettra selon les experts d’élever de fait le plafonnement jusqu’à 3 fois la rémunération fixe. Les eurodéputés assurent eux aussi que le plafond maximal devrait se situer autour de 2.5 fois le salaire de base…
La BNP Paribas avait distribué 1.2 milliard d’euros de bonus en 2009 et 1 milliard en 2010 avant de passer à 500 millions en 2011 et 2012 principalement du fait des mauvais résultats de la banque et de l’effondrement de son cours de bourse. Toutefois, entre 40 et 60% des bonus 2011 et 2012 de BNP (non annoncés) seront en fait versés en 2014 car différés sur 3 ans.
C’est le résultat de la législation antérieure (et toute aussi inutile) issue des recommandations du G20, lesquelles avaient été rédigées par Mario Draghi, à l’époque président du Forum de Stabilité Financière (FSF)…
En conclusion, la rémunération effective des banquiers sera peu affectée par ces régulations du fait de la possibilité offerte de différer le versement des bonus et des libertés d’arbitrage entre fixe et variable.
Sandro Poli, co-président de la commission économie du PG.
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