Réponse de la Commission économie du Parti de Gauche à Manuel Valls

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En visite (d'allégeance) à la City londonienne, Manuel Valls a enchaîné les perles et les poncifs, entre deux déclarations tonitruantes. Hadrien Toucel, de la commission économie du Parti de Gauche, lui répond point par point.

« En Grande-Bretagne et en Allemagne, le temps partiel a permis de préserver l’emploi et de repartir de manière plus forte quand la croissance est revenue » : corrigeons, en Allemagne et au Royaume-Uni, le temps partiel contraint bat des records (conséquence notamment du report de l’âge de départ en retraite et de l’éclatement des contrats sur des marchés du travail dérégulés), avec plus de travailleurs pauvres dans ces deux pays qu’en France (et plus de pauvreté générale, 15% et 18% en Allemagne et au Royaume-Uni contre 12% en France, liée aux foyers dans lesquels un seul conjoint parvient à apporter des revenus). Quant au chômage partiel allemand, les clés réelles de son succès reposent… sur le droit de veto sur les licenciements dont disposent les syndicats ! Manuel Valls souhaite t-il vraiment s’en inspirer?

« Nous, en France, avons fait le choix d’un chômage très important et très bien indemnisé » : Manuel Valls tente par là de tracer un lien entre indemnisation du chômage et niveau de chômage. Dommage, les faits sont têtus, et il est impossible d’y percevoir une quelconque corrélation (). Le seul lien est parfois inverse : dans les pays à haut chômage, on coupe dans les allocations afin de faire des économies sur le dos des chômeurs. Seules conséquences : de nombreux demandeurs d’emploi quittent le marché du travail et renoncent à trouver un emploi déclaré ou désespèrent, tandis que la pression supplémentaire mise sur les autres leur impose d’accepter des offres d’emploi éloignées de leurs capacités – et à voir baisser leur productivité, leur efficacité au travail et leur épanouissement psychologique.

« Comme à Londres », les magasins devraient ouvrir le dimanche en France, afin que « les Chinois qui visitent Paris ne partent pas le samedi soir pour faire les boutiques à Londres » : bien curieuse manière de faire de la politique, dictée par quelques milliers de touristes (pourquoi uniquement Chinois, pourrait-on se demander ?). Pense-t-on vraiment que la population du pays va aller acheter le dimanche des produits qu’elle n’achèterait pas le reste de la semaine ? Plus grave, Manuel Valls comprend-il (s’il ne défend pas consciemment leurs intérêts…) que l’ouverture le dimanche concerne les grandes surfaces, qui emploient moins de salariés que les petits commerces, et disposent déjà d’avantages comparatifs exorbitants ? Il s’agit d’assurer leur rente de monopole et les aider à liquider les PME du pays.

« Aller plus loin que l’assouplissement des 35h » : mais le Royaume-Uni… a fait exactement l’inverse, puisque la durée de travail hebdomadaire moyenne est inférieure à la France ! 37,2h habituellement prestées par semaine dans l’activité principale en France, contre 36,6h au Royaume-Uni. Simplement, en France, le partage du travail a permis de limiter (insuffisamment) la constitution d’un vaste réservoir de semi-travailleurs, à horaires flexibles, à statut jetable, dont le travail ne suffit pas à vivre dignement. La durée moyenne est inférieure au Royaume-Uni, car des millions d’individus triment une dizaine d’heures par semaine, tandis que d’autres se tuent au travail plus de 40 heures. Polariser l’échelle des rémunérations et des temps de travail, en supprimant le verrou de la durée légale et des heures supplémentaires, ne s’appelle pas « réformer le marché du travail » mais semer misère et précarité dans le monde salarié.

« des dizaines de milliers d’emplois ne sont pas pourvus. On doit inciter davantage au retour à l’emploi » : en France, chaque année, 98% des offres d’emploi trouvent preneurs. Les quelques dizaines de milliers qui ne sont pas pourvues (à rapporter à 5 millions de chômeurs…) sont tout à fait normales : un emploi met en moyenne 30 jours à être pourvu, il est donc tout à fait sain qu’un certain nombre d’emplois tournent régulièrement et soient vacants ! Les contrats courts, en explosion, accroissent logiquement le nombre d’offres disponibles chaque année sur le marché, et donc le nombre d’offres provisoirement non-pourvues… avant qu’elles soient pourvues. Par ailleurs, plusieurs centaines de milliers d’offres d’emploi ne sont pas pourvues, sans que les chômeurs n’en soient comptables : recruteurs inexpérimentés, grille de qualification erronée, poste pourvu en interne, conditions de travail inacceptables, constitution illégale de base de CV… Ce vieil argument créé par Fillon puis repris par Sarkozy des offres « non-pourvues » n’a qu’une seule utilité. Il s’agit de faire croire à un lien entre taux de chômage et brutalité vis-à-vis des chômeurs, en leur imposant des emplois inacceptables. Mais même s’ils prenaient de force les dizaines de milliers d’emplois non-pourvus, le taux de chômage ne baisserait que de 0,02%. Manuel Valls évite la question clé de l’emploi : augmenter le nombre d’offres à pourvoir, et non pas se battre pour une poignée d’offres inadaptées.

La meilleure – et la plus triste – des conclusions provient de Maurice Fraser, directeur de l’institut européen de la London School of Economics : « M. Valls donne l’impression de n’avoir aucune idée de gauche ». Pour M. Fraser, il s’agit d’un jugement positif. Les électeurs de François Hollande apprécieront ces galimatias et le pèlerinage socialiste, du discours du Bourget à cette conversion effarante aux délires de la finance mondialisée.

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