Emmanuel Macron est-il menteur ou analphabète?

Il semblerait qu’Emmanuel Macron éprouve quelques difficultés à interpréter correctement certaines données qui sont pourtant, pour certaines d’entre elles, issues de son ministère.

En effet, le 9 octobre dernier, il s'est lancé

devant le 69e Congrès des experts comptable, dans la tirade suivante :

« Si je compare la France à l’Allemagne en disant quel a été notre problème ? (c’est) une préférence continue pour une augmentation des salaires et des dividendes là où les Allemands ont une préférence continue pour l’emploi et l’investissement ».

« C’est la vérité des chiffres », a-t-il ajouté.

Ne nous y trompons pas, ce qu’Emmanuel Macron veut dire c’est qu’il faut baisser les salaires, mais pour faire passer la pilule il parle aussi des dividendes.

Pour ce faire, il affirme quelque chose de contestable, à savoir une préférence des entreprises françaises pour l’augmentation des salaires, en s’appuyant sur un élément incontestable, une augmentation des dividendes versés par les entreprises françaises, unique en Europe.

Illustration, à la lumière, comme dirait Emmanuel Macron, de « la vérité des chiffres » :

Les entreprises française préfèrent rémunérer leurs actionnaires plutôt que d’investir en R&D : Vrai

En effet qu’il s’agisse de comparaisons sur les dix dernières années¹, qui montrent que les entreprises françaises ont continué d’augmenter les dividendes versés quand ceux-ci restaient stables ou reculaient en Allemagne, au Japon et aux Etats-Unis, ou d’évolutions plus récentes, telle la récente étude de Henderson Global Investors qui révèle que la France est la championne d’Europe des versement de dividendes, il est incontestable que les entreprises françaises ont une préférence marquée pour le versement de dividendes à leurs actionnaires.

Pour parvenir à un tel niveau de dividendes, les dirigeants d’entreprises françaises ont, contrairement à leurs homologues européennes, réduit leurs dépenses de R&D, hypothéquant ainsi l’avenir de ces firmes.

Poids en % du PIB des dépenses intérieures en R&D des entreprises. 1994‐2010

Ce sont surtout les entreprises allemandes qui se sont signalées par leur préférence pour la baisse des salaires, laquelle a engendré une augmentation sans précédent de la pauvreté et des inégalités².

Les entreprises françaises affichent une préférence pour l’augmentation des salaires : Faux

En effet, d’après une note de l’INSEE³, organisme rattaché au ministère de M. Macron, sur la période 1996-2008, « c’est en Allemagne que le coût horaire de la main d’œuvre a augmenté le moins vite » tandis que la France, loin de marquer une préférence pour une quelconque augmentation, se situe « dans une position médiane en termes d’évolution ».

Par ailleurs sur une période plus récente, à savoir 2010-2013, l’INSEE nous indique que les salaires allemands ont davantage augmenté que les salaires français.

		2010	2011	2012	2013
Allemagne	Evolution salaire de base	1,8	2	2,8	2,6
	Indice des prix harmonisé	1,2	2,5	2,1	1,6
	Ensemble déflaté	0,7	-0,5	0,7	1
France	Evolution salaire de base	1,8	2,2	2,1	1,7
	Indice des prix harmonisé	1,7	2,3	2,2	1
	Ensemble déflaté	0,1	-0,1	-0,1	0,7

Source : http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=109

Cet écart entre « la vérité des chiffres » et les affirmations de M. Macron, résulte soit d’un rapport à la vérité pour le moins spécial, soit de difficultés certaines à déchiffrer les documents issus de sa propre administration.

D’où cette question, M. Macron est-il menteur ou analphabète?

 

^{[1] Flash économie Natixis, « Pourquoi les entreprises françaises n’ont-elles pas rétabli leur situation financière depuis 2009 ? » , 5 juillet 2012.}

^{[2] Le taux de pauvreté est ainsi passé de 12,2% en 2005 à 15,6% en 2010 tandis que le ratio entre le revenu des 20 % les plus riches et celui des 20 % les plus pauvres est passé de 3,8 à 4,5 sur la même période.}

^{[3] http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/EMPSAL12e_D3_CMO.pdf}