Hausse immédiate du SMIC à 1700 euros : Comment faire?

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Nous montrons dans cette analyse pourquoi cette hausse immédiate de 340€ brut (+20%) n’aura pas d'incidence négative sur les charges des entreprises de moins de 50 salariés.

Ces dernières années, les grandes entreprises ont davantage bénéficié des aides financières de l’État, au dépend des PME et TPE. A telle point qu’aujourd’hui, les micro-entreprises et les PME paient 20% d’impôts de plus que les grandes entreprises[1]. Ce sont pourtant les PME et TPE qui créent le plus d’emplois en France. Soumises pour beaucoup aux grands groupes donneurs d’ordres, ces TPE-PME ont également été asphyxiées par des taux d’emprunt élevés depuis plus de 20 ans : en France, le taux d’intérêt réel de l’emprunt (inflation comprise) était proche de 0 en moyenne entre 1945 et 1984, il est depuis 20 ans proche des 6%[2] ! Ceci ne peut plus durer. 

  • Une mesure dont le coût global est faible et supportable

A partir des données brutes de l’INSEE sur le nombre de travailleurs à temps plein et à temps partiel payés au SMIC, nous parvenons à une estimation du coût direct de la hausse du SMIC de 20% proche des 6 milliards d’euros. Dans la mesure où les entreprises de moins de 50 salariés regroupent 60% des salariés payés sur la base du SMIC[3], le coût pour ces entreprises sera de 3 .6 milliards d’euros. Compte tenu des effets de diffusion sur les bas salaires, on peut s’attendre à un coût total autour de 10 milliards d’euros (soit 6 milliards pour les PME de moins de 50 salariés), ce qui correspond d’ailleurs aux ordres de grandeurs de 2007 lorsque le SMIC à 1500 euros avait été proposé (équivalent à l’époque à une hausse de 15%). Ce coût est facilement supportable pour trois raisons :

1. Dans les entreprises de plus de 50 salariés (qui regroupent 60% des salariés)

  • Entre 8 et 14% des salariés sont au SMIC (8% seulement pour les entreprises de plus de 500 salariés)
  • Ainsi, le coût relatif de la hausse du SMIC pour les grandes entreprises ne représente pas une somme importante. Elles pourront donc aisément s’en acquitter.
  • Par ailleurs, environ 5% seulement des emplois industriels, donc délocalisables, sont au SMIC. Notre mesure ne devrait donc pas provoquer de délocalisations 

2. Dans les entreprises de moins de 50 salariés (40% des salariés)

  • Entre 15 et 30% des travailleurs sont payés au SMIC (30% pour les entreprises de moins de 10 salariés). Selon les secteurs, ces taux peuvent également varier atteignant des sommets dans les services, en particulier l’Hôtellerie-restauration (41%), les services aux particuliers (30.5%), le commerce de détail (25%).
  • Dans ces cas précis, il est nécessaire de mettre en place dans la foulée un plan d’ajustement pour les premières années de mandat, le temps que nos réformes systémiques (crédit, relance Keynésienne sur les bas salaires, ajustement des prix à la hausse, …) fassent leurs effets.
  • Pour aider les petites entreprises à augmenter leurs bas salaires, inversons le rapport de force entre les grandes entreprises et les petites par la loi

Conscient du bilan de la relance de 1981, nous proposons donc un dispositif d’aide temporaire aux petites entreprises à travers un transfert fiscal assuré par les grands groupes. Nous proposons à ce titre la suppression de 3 niches fiscales inefficaces favorables aux très grandes entreprises. Ces recettes permettront de soutenir la hausse immédiate du SMIC pour les salariés des entreprises en difficulté de moins de 50 salariés, et si elles respectent des critères sociaux et écologiques. En parallèle, nous encadrerons fortement la sous-traitance et donc les pressions des grandes entreprises sur les petites. Les petites entreprises ont intérêt au renversement du système, car elles sont sous-pression des grandes entreprises donneuses d’ordre et des banques. Leur intérêt économique n’est pas de lutter contre notre système social mais au contraire de s’allier avec les salariés contre les grands groupes. Ce n’est pas à cause du coût du travail qu’elles peuvent avoir des difficultés à financer une hausse du Smic mais à cause de leur dépendance vis-à-vis des grands groupes.

Nous supprimerons donc les niches fiscales suivantes :

  1. Le régime des sociétés mères et filiales qui permet à certaines entreprises d’échapper à l’impôt en faisant des transferts d’une filiale à une autre = 23, 3 milliards d’euros en 2010.
  2. Le régime d’intégration fiscale de droit commun des résultats des groupes de sociétés françaises= 18,4 milliards en 2009.
  3. La taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant de cession de titres de participation – i.e. suppression de la « niche Copé » sur l’exonération des plus-value de session qui a permis par exemple à Danone de revendre sa filiale « Danone Biscuit » (les biscuits LU qui avaient multiplié les plans sociaux quelques années auparavant) et d’économiser ainsi 500 millions d’IS en 2008 = 2,2 milliards d’euros par an. 

Le total s’élève à 44 milliards d’euros, ce qui contrebalance largement le coût de la hausse immédiate du SMIC que nous évaluons à 10 milliards d’euros. 

Par ailleurs, faisant suite au rapport Volot remis au ministère de l’industrie en juillet 2010, nous modifierons la nature des liens entre filiales et donneurs d’ordre à travers une réforme du cadre juridique de la sous-traitance (loi de 1975 sur la sous-traitance mais aussi loi LME de 2008), aujourd’hui très favorable aux grands groupes. Les possibilités de transfert de coûts de production sur le sous-traitant seront encadrées de même que l’imposition abusive de la mise en place d’infrastructure aux frais du sous-traitant. La possibilité de renégocier un contrat en cas de crise sera également étendue.

 Les petites entreprises et leurs salariés disposeront ainsi d’un cadre économique et juridique favorable à la production et au bien être des travailleurs. Leurs salariés seront mieux payés et la hausse immédiate du SMIC financée par transfert les premières années pour les entreprises en difficulté et sur critères précis de respect des normes sociales et environnementales. Le crédit sera facilité à des taux réduits. Elles bénéficieront d’une augmentation globale de la demande, ce qui augmentera leur activité. On peut s’attendre en effet à un fort effet sur la consommation courante du fait de ce ciblage sur les bas salaires, d’autant plus en période de crise, comme cela a été maintes fois souligné par au moins trois prix Nobel d’économie depuis le début de la crise (Paul Krugman, Joseph Stiglitz et Amartya Sen) ou encore soutenu par le groupe des « économistes atterrés » en France. Le FMI lui-même estime désormais dans un rapport de septembre 2011 qu’une politique de relance serait hautement bénéfique. Or, l’évolution du PIB dépend largement de la consommation des ménages en France. (plus de 50% du PIB, 57% en 2009). D’où une stratégie de relance par la consommation, qui passe par une hausse des bas salaires. Enfin, en modifiant le statut légal de la sous-traitance, nous réduirons la dépendance des PME vis-à-vis des grandes entreprises.

En définitive, le temps pour les entreprises de s’adapter au nouvel environnement productif défendu par le Front de Gauche, ce coût – évalué entre 6 et 10 milliards d’euros – sera financé indirectement par les plus grandes entreprises, le desserrement des contraintes du crédit et la réforme de la législation de la sous-traitance. Par ailleurs, nous aiderons les TPE-PME à sortir de la dépendance vis-à-vis des grands groupes qui leurs imposent des conditions économiques intenables. Ces mesures auront davantage d’impact sur l’emploi et le bilan des TPE-PME que le recours systématique à des politiques d’allégement de charges généralisées et de baisse du coût du travail qui n’ont depuis les années Barre toujours pas fait la preuve de leur efficacité[4].

Guillaume Etievant, Secretaire National à l’économie du PG

Sandro Poli, Co-président de la Commission Economie du PG

Boris Bilia, Responsable du secteur Arguments du PG.


[1] Rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale, Gilles Carrez

[2] Données Banque de France

[3] DARES, Rapport de mai 2009 « Les salariés rémunérés sur la base du SMIC en 2006 ».

[4] Voir les travaux critiques de l’économiste Philippe Askenazy, professeur à l’Ecole d’Economie de Paris

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