De l’urgente nécessité d’un Pôle Financier Public

argent public

Nous proposons ici une analyse critique du projet de « Banque Publique d’Investissement » (BPI) à travers 4 interrogations : financement, critères d’investissement, démocratie et sortie de crise. Nous montrons en quoi notre projet de Pôle Financier Public (PFP), structure démocratique permettant la transition écologique, la relance de l’activité et son partage, se distingue fondamentalement de la BPI.

Le projet de « Banque Publique d’Investissement » (BPI), le premier des 60 engagements de François Hollande, vient d’être adopté. Il suffit parfois d’un changement de label pour faire illusion sur le « respect des engagements ». En effet, les trois institutions composant la BPI (le FSI, Oséo et CDC Entreprises) existaient déjà sous Nicolas Sarkozy. Le « changement », c’est donc l’usage de trois nouvelles lettres de l’alphabet pour qualifier le regroupement des trois mêmes institutions. Au delà du label, le contenu et la logique restent les mêmes.

Nous pensons que la faible dotation de la BPI ne menacera d’aucune manière les rentes d’oligopole que le secteur bancaire privé accapare sur l’entreprise et les ménages depuis des décennies. Au mieux, elle restera une banque d’appoint dont le rôle ne dépassera pas les quelques « niches » que le secteur bancaire privé daigne bien lui laisser. Au pire, elle servira d’assurance publique implicite vis-à-vis d’un secteur financier qui n’aura plus à supporter les risques de certains de ses investissements. Sa structure, insuffisamment démocratique, n’annonce aucune remise en cause des situations de copinage et de pantouflage qui existent déjà entre le secteur bancaire public et le secteur bancaire privé.

Nous avons déjà souligné à plusieurs reprises le manque de volonté de ce gouvernement face à la finance, de même que son incapacité à penser un autre monde permettant une sortie de la crise par le haut. En effet, contrairement au Pôle Financier Public, la BPI laisse perdurer la financiarisation prédatrice de notre économie. En outre, elle n’a pas été conçue pour lutter efficacement contre la crise économique. Une erreur politique majeure au regard de ce qu’un Pôle Financier Public (PFP), proposition portée par le Front de Gauche, permettrait pourtant d’accomplir. Nous pensons que seule une politique ambitieuse de contrôle démocratique de l’épargne et d’investissement public ciblé en direction de la transition écologiques et des besoins humains (santé, éducation, …) éviterait à la France de s’engager dans cette « décennie perdue » vers laquelle le gouvernement Ayrault nous entraine chaque jour un peu plus.

 1. Financement ?

Les banquiers d’affaire s’opposent à l’émergence d’une banque publique d’envergure compte tenu de l’excessive concentration du secteur bancaire : en France, 6 banques contrôlent 90% des dépôts, ce qui leur permet de s’assurer de confortables rentes de monopoles. La présence d’un acteur public sur un marché bancaire français fortement oligopolistique aurait forcé les banques privées à réduire leurs rentes. Pour le Parti de Gauche, la constitution d’un Pôle Financier Public permettrait dans un premier temps de faire contrepoids et de casser les rentes inacceptables du secteur bancaire captées sur le reste de l’économie, qui dépriment notre investissement productif.

Si la création d’une Banque Publique pouvait inquiéter les milieux financiers, le projet du gouvernement a de quoi les rassurer. La BPI regroupera des organismes publics préexistants (Oséo, FSI et CDC Entreprises) pour une dotation totale de 42 milliards d’euros seulement, dont 90% environ sont déjà investis. Ainsi, à peine 4 milliards d’euros correspondent à des fonds nouveaux. Ces 42 milliards d’euros représentent tout juste 2% du total des crédits distribués par les banques chaque année, et pas plus de 5% pour ce qui est du financement des entreprises. Sans même mentionner les fonds souverains asiatiques ou nordiques (dotés de plusieurs centaines de milliards d’euros), l’équivalent Allemand de la BPI, KfW, dispose elle d’une capacité d’investissement 10 fois supérieure avec une dotation de 437 milliards d’euros. C’est dire l’insignifiance de ce projet. Par ailleurs, la BCI ne dispose pas pour l’instant de « licence bancaire ». Cela signifie qu’il lui sera interdit de se refinancer auprès de la BCE, laquelle a pourtant déjà prêté 1000 milliards d’euros aux banques privées à des taux inférieurs à 1%, et ce sans aucune contrepartie.

De nombreux outils permettraient pourtant d’atteindre l’objectif d’un Pôle Financier Public aux capacités d’intervention au moins égales à celles de son homologue allemand. Il existe de nombreux gisements d’épargne laissés à la libre disposition des marchés financiers. L’encours des contrats d’assurance-vie représente à lui seul 1400 milliards d’euros. Malgré les 180 milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel du secteur assurantiel, seul 7 % sert à financer les sociétés résidentes, dont moins de 2% les PME[1]. Par ailleurs, depuis l’application d’un décret de mars 2011, sur les 330 milliards d’euros d’épargne réglementée (livret A), plus de 115 milliards d’euros (35%) sont directement captés par les banques commerciales sans aucune contrepartie d’intérêt général. Aucun outil public ne permet aujourd’hui de vérifier l’usage de ces fonds. L’annulation de ce décret permettrait de récupérer 115 milliards d’euros de dotation supplémentaire. En outre, il serait également possible d’adosser au PFP d’autres acteurs publics ou semi-publics du secteur financier comme l’AFD, la Banque Postale, la BDF, ou la Coface.

Le Parti de Gauche propose également d’associer le Pôle Financier Public à un programme ambitieux de nationalisation bancaire. Notre Contre Budget 2013 fixait ce montant à 30 milliards d’euros pour la nationalisation des activités de dépôts des banques privées (les autres activités de banque d’affaires et de gestion privée étant laissées au secteur privé dans le cadre d’une séparation stricte garantie par la loi). Le « coût » supposé des nationalisations de banques pour l’Etat traduit un certain manque d’information de la part de ceux qui nous critiquent. En effet, il est plus coûteux de garantir la survie des banques à travers des fonds publics ou des prêts à taux réduits que de rentrer directement au capital des banques et d’en tirer ainsi les bénéfices futures une fois la situation rétablie. C’est pourtant la première option qui a été préférée par les gouvernements successifs. La politique de prêts à 1% engagée par la BCE pour une valeur de 1000 milliards d’euro a un coût indirect pour les citoyens français puisque la BCE pourrait utiliser cet argent autrement, en prêtant aux Etats par exemple. Rappelons que 15% de ces 1000 milliards (soit 150 milliards d’euros) ont servi au financement des banques françaises, dont 35 milliards d’euros rien que pour BNP Paribas[2].  Cette politique aurait facilement pu être remplacée par une autre politique visant à rentrer directement au capital des banques. Les citoyens auraient ainsi pu bénéficier des 6 milliards de bénéfices annuels de la BNP qu’aura permis ce sauvetage, plutôt que de n’avoir qu’à en supporter le coût.

Cette stratégie de nationalisation, dans le cadre de la constitution du PFP, n’aurait d’ailleurs rien de neuf en soi. Doit-on rappeler que dans la foulée de la crise de 1929, l’essentiel des banques fut nationalisé ? Doit-on rappeler qu’à la Libération en 1945, le général de Gaulle décide de la nationalisation du tissu bancaire français pour aider à la reconstruction ? Doit-on rappeler que la Suède et la Norvège ont tout deux nationaliser leur système bancaire pour se sortir de la crise nordique des années 1990 ? Doit-on rappeler la décision de l’Angleterre en 2008 de nationaliser trois de ces plus grandes banques (HBOS, Royal Bank of Scotland, Lloyds TSB) pour plus de 40 milliards d’euros ? Ou la décision américaine de nationaliser la première compagnie d’assurance AIG ? Enfin, aux Pays Bas aujourd’hui, le système bancaire est entièrement nationalisé, sous la forme d’ABM Amro. Toutefois, la nationalisation n’est pas une fin en soi. Elle doit s’accompagner d’une réflexion approfondie sur le contrôle populaire du nouveau Pôle Financier Public ainsi que sur ses critères d’investissement.

2. Critères d’investissement ?

Aucun critère social et environnemental précis n’ont été fixés quant au ciblage des investissements de la BPI. Il est simplement fait mention dans le texte de loi d’une volonté de «  soutenir la croissance durable, l’emploi et la compétitivité de l’économie » (article 1), sans que ne soit définie de critères sociaux ou environnementaux permettant de juger du respect de ces bonnes intentions. Il est précisé dans le même article que le mandat de la BPI comprendra également la « stabilisation de l’actionnariat des grands groupes stratégiques ». Compte tenu de sa  faible dotation, seule une infime proportion des nombreuses demandes de crédit non pourvues venant des PME et TME seront donc couvertes.

La mission Parent recommandait déjà que la BPI ne soit pas « la banque du sauvetage des entreprises en difficulté ». De fait, elle ne financera pas les entreprises comme PSA ou Florange pour lesquelles un soutien productif de l’Etat eut été nécessaire. Pour Alain Rousset, président socialiste de l’association des régions de France et candidat à la présidence du Comité d’orientation de la BPI, cette dernière pourra financer des « investissements ou des licenciements »… Quant à J. P. Jouyet il n’imagine pas que la BPI puisse s’occuper des « canards boiteux ». Le gouvernement choisi ses volatiles : d’un côté le « pigeon », cet exilé fiscal qui pourra à loisir se gaver de plus-value ; de l’autre le vilain petit canard, ouvrier de l’industrie, qui mérite tout au plus sa prime de licenciement. Une étude d’impact du ministère des Finance prévoit la création d’à peine 60 000 emplois d’ici 2020 grâce à la BPI, soit environ 10 fois moins que les résultats obtenus par la Banque de France en terme de médiation du crédit ces dernières années

            Le Pôle Financier Public tel que nous le concevons doit pouvoir poser des conditions à son intervention en terme de masse salariale, de forme d’entreprise (taux préférentiels pour les coopératives) mais aussi de qualité des emplois pourvu : pas plus de 10% d’emplois précaires dans les petites entreprises, 5% dans les grandes. Il doit permettre la mise en œuvre de la transition écologiques à travers le respect d’une « règle verte » comme critère systématique d’empreinte écologique. Enfin, il doit s’attacher à encourager l’égalité d’accès aux services et infrastructures publics sur tout le territoire. La réduction des inégalités territoriales ne fait pas partie des objectifs de la BPI. Pourtant, les périphéries urbaines, les bassins d’emplois sinistrés et le monde rural mérite un investissement spécifique de la part du Pôle Public Financier tel que nous le concevons. Alors que les dispositifs spécifiques visant à réduire la « fracture territoriale » ont démontré leur inefficacité (le cas des Zones Franches Urbaines, paradis fiscaux miniatures, est le plus emblématique), il est grand temps de passer à une autre politique.

Par ailleurs, la BPI ne sera pas une banque « généraliste », c’est-à-dire qu’elle n’offrira pas de services aux particuliers ou aux collectivités locales, ce qui la distingue là encore de l’ambitieux projet de « Pôle Financier Public » porté par le Front de Gauche. Ceci est d’autant plus préoccupant que Dexia et le Crédit Immobilier de France (CIF), chargés respectivement du financement des collectivités locales et du logement social, ne sont toujours pas remplacés après leur naufrage. Nous pensons que sur l’ensemble du territoire, les citoyens doivent avoir la possibilité de placer leur argent ailleurs que dans des banques capitalistes et avoir un accès effectif aux services bancaires.

3. Démocratie ?

Contrairement à la vision participative et ouverte qu’à le Front de Gauche de la politique, le projet de BPI du gouvernement a été élaboré dans l’opacité la plus totale. Au mois de mai dernier, François Hollande déclarait : « Mon ennemi, c’est la finance ! ». Quatre mois plus tard, il confiait à la banque d’investissement privée Lazard le soin de tracer les contours de la future banque publique, et ce sans aucun appel d’offre préalable. Le dirigeant de Lazard, Mathieu Pigasse, est pourtant à l’origine de la fusion catastrophique des caisses d’épargne en 2006 avec la création de Natixis, qui fut l’un des plus gros désastre bancaire français : plusieurs milliards de pertes faisant suite aux spéculations sur les fameux crédits américains subprimes. Comme sous Nicolas Sarkozy, c’est aux banquiers privés, pourtant responsables de la crise actuelle, que l’on demande conseil.

A l’inverse, les citoyens sont tenus à l’écart. Ainsi, le ministre des finances Pierre Moscovici a fait le choix d’une procédure d’examen accélérée. Il a toujours refusé de recevoir les représentants du Collectif pour un pôle public financier au service des droits, collectif regroupant une quarantaine d’organisations syndicales et associatives, salariés et professionnels du secteur bancaire public. La nomination à la Présidence de la BPI de Jean-Pierre Jouyet, ancien Secrétaire d’Etat du gouvernement Fillon, n’est pas faite pour nous rassurer. Il en va de même pour la nomination au poste de directeur général de Nicolas Dufourcq, ancien directeur du cabinet de conseil Capgemini, société soupçonnée de conflits d’intérêts dans la mise en œuvre de la RGPP en 2007. On peut craindre la reproduction des anciennes méthodes de gouvernance publique : copinage, pantouflage et opacité dans les décisions d’investissement, notamment en région.

En effet, la gouvernance de la nouvelle institution ne laisse pas assez de place au contrôle démocratique s’agissant des décisions d’investissement. Ainsi, les salariés seront sous représentés au Conseil d’Administration de la BPI : seulement 2 membres sur 15, contre 3 sièges réservés aux personnalités qualifiées. Les représentants des salariés seront également absents des comités régionaux. Nous proposons d’ouvrir plus largement la gouvernance du Pôle Financier Public aux représentants élus des salariés et de soumettre ses décisions à un examen annuel du Parlement et de la Cour des Comptes, qui conduirait à la publication de deux rapports d’évaluation. Nous proposons également d’associer l’expertise de la Banque de France au suivi de la mise en œuvre des critères sociaux et environnementaux décidés collectivement.

Le contrôle démocratique de l’allocation de l’épargne des français est un enjeu national. La richesse nette privée a retrouvé ses niveaux extrêmement élevés des années 1920 (600% du PIB contre moins de 50% pour la richesse nette publique)[3]. Or seul un petit nombre de personne se partage cette masse d’épargne et dispose du pouvoir leur permettant d’orienter les choix stratégiques d’investissement. Il ne sert à rien, comme le font les gouvernements successifs depuis le début de la crise, d’en appeler à la morale et à l’éthique des banquiers privés pour les inciter à investir davantage et de manière responsable et non pas à augmenter le montant des dividendes et l’opacité des bonus. Le respect de cette « éthique » ne peut passer que par la présence d’administrateurs élus représentants l’intérêt général au sein des conseils d’administration des banques, et ayant un pouvoir de décision. Cela ne peut se faire qu’à travers une prise de position dans le capital des banques, donc par la constitution du Pôle Financier Public. Comme nous le défendions lors de la campagne présidentielle, le PFP serait soumis au respect d’un certain nombre de critères sociaux et environnementaux, lesquels seraient élaborés en lien avec les associations, les représentants des salariés, et les citoyens concernés. Une surveillance démocratique et régionalisée des projets engagés par le PFP serait assurée.

Le Pôle Public Financier vise donc à redonner du pouvoir au peuple, c’est à dire à ceux qui possèdent une partie de ce patrimoine sans n’avoir jamais aucune prise, aucun droit de regard sur l’usage qui en est fait. Il vise également, à travers les nationalisations, à modifier la répartition des patrimoines en France, laquelle est aujourd’hui plus inégalitaire encore que la répartition des revenus. Ainsi, les 50% les plus pauvres ne disposent que de 4% de la richesse totale du pays quant les 10% les plus riches en possèdent 62%[4]. Cette épargne excessive entre les mains des plus riches ne sert pas la relance de notre économie et l’ambition écosocialiste vers laquelle nous souhaitons aller. Face à l’ensemble de ces enjeux, la BPI n’est pas adaptée.

4. Sortie de crise ?

L’ambition de la BPI est désolante au regard de l’ampleur de la crise que nous traversons. Sans revenir sur les épisodes successifs ayant mené à la crise de 2008 puis de 2010, il convient tout de même de rappeler quelques fondamentaux. Il s’agit d’abord d’une crise de la finance privée et non pas de la finance publique, causée par l’irresponsabilité des banques et leur incapacité à investir socialement l’épargne des ménages. Nous sommes étonnés que près de 4 ans après la crise financière, les Etats soient jugés moins responsables que les marchés et les banques. Ce sont pourtant ces mêmes Etats et leurs contribuables qui ont secouru un système financier à bout de souffle ayant subi plusieurs dizaines de milliards d’euros de pertes. La facture, le gouvernement Sarkozy avait commencé à nous la faire payer, désormais, le gouvernement Ayrault prend le relai à travers de hausse de TVA et des baisses de dépenses publiques, lesquelles représentent pourtant le seul patrimoine dont disposent encore les moins fortunés de ce pays.

Le modèle des « banques universelles », qui associe banque d’investissement et banque commerciale, fut un échec. Ce n’est pas l’avis de P. Moscovici qui déclare en décembre 2012 « Je n’ai pas envie de casser le modèle français de banque universelle ». Ce “modèle” s’est pourtant cassé tout seul et c’est l’Etat qui a du lui porter secours.  Sur le top 10 des banques ayant subi les plus grosses pertes bancaires entre 2008 et 2011, 7 sont des « banques universelles » (dont deux françaises : Dexia et Fortis) et 75% des pertes de ces 10 banques concernent des banques universelles[5]. Le coût pour l’Etat de la faillite de Dexia est trois fois supérieur au coût de la faillite du Crédit Lyonnais, autrefois qualifié de « scandale du Crédit Lyonnais ». Bien peu semble s’émouvoir aujourd’hui du « scandale de Dexia », banque privatisée en 1996 et engagée avant la crise dans le financement de toute sorte d’activités spéculatives. En résumé, ce ne sont pas les emprunteurs qui ont trop emprunté mais les prêteurs, les banques, qui ont trop (et surtout mal) prêté. Il s’agit d’une crise de la dette privée et non pas de la dette publique. Le Parti de Gauche souhaite rappeler une nouvelle fois que les hauts niveaux d’endettement public sont la conséquence de la crise, et non sa cause.

Cette crise de la finance privée justifiait donc dès 2008 la mise en place d’un Pôle Financier Public (PFP) avec la nationalisation d’une partie des banques que la France a préféré secourir sans contreparties. Cette nationalisation aurait rapporté beaucoup d’argent à l’Etat et permis d’engager le soutien nécessaire à l’investissement productif. Il y a une différence entre la capacité d’une banque à prêter et sa volonté de prêter. Lorsque l’économie s’oriente vers la récession, les risques de financement sont jugés trop élevés par le secteur privé. En effet, depuis le début de la crise, le secteur privé cherche avant tout à éponger ses dettes. Les entreprises n’investissent pas et les banquiers ne prêtent pas, ce qui aggrave la situation. C’est le mécanisme bien connu du « multiplicateur financier » : la restriction du crédit en période de crise conduit à une détérioration des conditions financières des entreprises qui elle même conduit à une détérioration du bilan des banques, donc des conditions de prêts, et ainsi de suite. La relance de l’économie doit nécessairement provenir de l’investissement public associé à un contrôle démocratique de l’épargne populaire. Il s’agit d’un passage obligé pour sortir par le haut de la Grande Récession qui menace toute l’Europe. Sauver les banques ne veut pas dire sauver les banquiers et les actionnaires. Sauver les banques veut dire faire en sorte que le système de crédit fonctionne. Or depuis 4 ans, on s’attache à sauver les banquiers et leurs actionnaires sans pour autant rétablir le bon fonctionnement du système de crédit et d’allocation de l’épargne. Le Pôle Public Financier doit répondre à cette exigence. Il propose une réponse immédiate à la crise.

L’intervention massive du PFP dans l’économie serait d’autant plus adéquate que les taux d’intérêt que la France paye aujourd’hui sur sa dette sont quasi nuls. Il est bon de rappeler que ces taux n’ont rien à voir avec la politique de rigueur entreprise, bien au contraire. En vérité, la France et l’Allemagne sont perçues comme des lieux de placement « refuges » au sein d’une zone euro éclatée. C’est le malheur Grec, Espagnol, Irlandais et Italien qui permet à la France de s’endetter à faible coût. La logique économique voudrait que l’Etat français (et Allemand) profite de la situation de taux d’intérêts quasi nuls pour investir massivement afin de rétablir l’équilibre entre Etats européens. La constitution d’un Pôle Financier Public à travers notamment la nationalisation des deux plus grosses banques française, BNP Paribas et la Société Générale, permettrait de soutenir ces investissements nécessaires.

Selon certaines critiques, le Pôle Financier Public aurait pour conséquences de « décourager la prise de risque » et de conduire à une « mauvaise allocation de l’épargne ». Il y a en réalité différents types de risques. Le but n’est pas d’encourager la prise de risques au point où un système bancaire dans son intégralité se trouve être menacé d’effondrement du fait d’investissement spéculatifs, comme ce fut le cas au plus fort de la crise de 2008. En France, le financement des premiers stades d’une entreprise, qui présente un risque nécessaire, n’est justement pas l’objectif premier des banques d’investissement et des fonds de private equity. Ceux-ci investissent prioritairement dans le capital-transmission (qui vise à reprendre une entreprise à maturité), les LBO, les produits financiers… dont l’utilité productive est largement remise en cause. Dans une étude récente, l’économiste Thomas Philippon (aujourd’hui conseiller au ministère des finances) estimait que la taille de l’industrie financière était en moyenne de 2 points de PIB trop élevée par rapport à ce que devrait être son niveau optimal[6]. En effet, de nombreuses activités de finance de marché ne facilitent pas l’intermédiation bancaire (c’est à dire le bon usage de l’épargne) mais visent au contraire à l’opacifier, accentuant la prédation du secteur bancaire sur le reste de l’économie.

Conclusion

En conclusion, sur chacune de ses 4 questions (financement, critères d’investissement, démocratie, sortie de crise), la BPI apporte au mieux une réponse limitée, au pire pas de réponse du tout. Reprenant les vieilles formules du passé, sans aucune ambition, elle a le mérite d’avoir su faire illusion.

Le Parti de Gauche et le Front de Gauche entendent bien continuer à porter haut et fort le projet alternatif d’un Pôle Financier Public. Ce projet apporte des réponses à chacune des questions posées et nous semble être à la hauteur de ce qu’exige la gravité de la situation politique et économique dans laquelle la France et l’Europe sont aujourd’hui plongées.

Sandro Poli, co-président de la Commission Economie du Parti de Gauche (sandro.polieco@gmail.com)

 

 


[1] Rapport 2012 de la Cours des Comptes sur le financement de l’économie.

[2] Sources BCE et Crédit Suisse.

[3] Piketty & Zucman, Capital is Back ! 2012.

[4] http://www.revolution-fiscale.fr

[5] Alphavalue Equity Research.

[6] http://www.voxeu.org/article/where-wal-mart-when-we-need-it

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