La «politique de l’offre», l’autre nom de la politique du Medef.

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Boris Bilia revient ici sur les origines de la politique de l'offre en économie et propose un bilan critique de celle-ci. La crise actuelle est avant tout une crise de la demande globale, la solution passe donc par la demande et la relance de l'activité.

1) La «politique de l’offre», c’est le libéralisme

La politique de l’offre se base sur l’assertion d’un économiste français du XIXème siècle, Jean-Baptiste Say. Très connu en son temps, il est maintenant oublié par le grand nombre alors que son frère Louis est apprécié de la plupart des jeunes Français puisqu’il est à l’origine des sucreries Béghin-Say. Cet économiste classique libéral suppose que, pour avoir de la croissance, il suffit de créer les conditions optimales pour la production, et que la demande, c’est-à-dire la quantité de produits demandés, suivra. Cela implique que n’importe quel produit créé a vocation à être vendu, c’est-à-dire que comme par magie, il trouvera obligatoirement acheteurs. Les milliards d’euros de gaspillages annuels et quantités phénoménales de déchets démontrent bien l’inanité d’un tel raisonnement. Et cela aurait pour conséquence qu’il n’y a aucune différence entre offre et demande à long-terme. Ce raisonnement est mal-nommée «Loi de Say» (ou loi des débouchés) mais ce n’est en aucun cas une loi car c’est un axiome qui n’a aucune validité dans les faits ni démonstration théorique.

Elle fonde la doctrine libérale en économie en impliquant le laisser-faire généralisé en favorisant uniquement les producteurs sous prétexte que les mécanismes économiques feront le reste automatiquement : l’offre engendrerait sa propre demande selon les tenants de «l’axiome de Say». Ou autrement dit, l’absurde et aveugle raisonnement «créer n’importe quoi, il y aura toujours quelqu’un pour acheter» ou encore « c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits ».

C’est pourquoi, pour les libéraux, agir sur les salaires et donc la consommation est inutile. Cette hypothèse, même Henri Ford l’a dénoncée : « Si vous diminuez les salaires, vous diminuez d’autant le nombre de vos clients » ou « Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, mais le client.» La théorie des débouchés oublie donc que c’est celui qui paye qui crée la valeur, qui valide la production. John Maynard Keynes, économiste britannique bien plus connu que Say, l’a très bien dit, c’est une imposture : « À long terme, nous serons tous morts. Les économistes se fixent une tâche peu utile s’ils peuvent seulement nous dire que, lorsque l’orage sera passé, l’océan sera plat à nouveau. ». Pour Keynes, dans les situations de sous-emploi par exemple, l’État doit agir sur la demande afin de relancer la machine économique avec des outils de politiques économiques contracycliques, c’est-à-dire à rebours des variations économiques, par exemple, en augmentant les dépenses publiques pendant une crise.

La théorie libérale, axée sur l’offre (et donc les entreprises) est donc traditionnellement de droite, et la théorie keynésienne, axée sur la demande (via des grands investissements de l’État et la hausse des salaires) est traditionnellement de gauche. C’est bien cette politique économique de gauche que rejette François Hollande. Le Parti de Gauche soutient quant à lui une politique économique cohérente qui agit sur les deux côtés de la création de valeur, la production et la consommation : soutien aux salaires et à la consommation populaire, soutien à l’emploi et à la relance de l’activité par la dépense publique en parallèle de l’embauche directe dans la fonction publique pour les services publics (la justice, l’éducation nationale, la santé et les hôpitaux, …) et indirecte dans les secteurs stratégiques tels que l’agriculture et la transition écologique pour aider les initiatives privées en leur garantissant des débouchés et où des emplois publics peuvent aussi être créés. Ceci dans le cadre d’une fiscalité juste et réellement redistributive. À l’opposé donc de la politique du gouvernement Ayrault qui enchaîne cadeaux sur cadeaux aux grands groupes via des crédits d’impôts sans contreparties tels que les 20 milliards du Cice ou la suppression des cotisations patronales familiales et attaquant le porte-monnaie des français par la hausse de la TVA.

2) La solution : la relance de l’activité par la demande

Pour le Front de gauche et Jean-Luc Mélenchon, « le problème des petites entreprises, c’est le carnet de commandes », et il faut « arrêter de mettre dans le même sac les entreprises de 40 000 salariés et celles qui ont 10 compagnons ». Le Medef n’est pas le patronat ! Il ne le représente pas dans sa diversité (mais seulement les plus grands groupes) ni dans sa sociologie (revenus exorbitants alors que le salaire moyen pour un chef d’entreprise de PME est un peu plus de 4 000 € mensuels).

Comme le croient les libéraux, les taux faibles de la banque centrale européenne n’impliquent pas une relance du crédit car les choix sont privatisés et les banquiers et spéculateurs accumulent en attendant que les taux augmentent à nouveau. Et exigent des taux de rentabilité des actions en dehors de tout ancrage réel (plus de 10% par an).
Les annonces de François Hollande supposent enfin que l’on cherche la croissance à tout prix, que toute production est bonne à prendre. Non, la planification écologique est non seulement nécessaire mais c’est aussi la solution à la crise via une sortie par le haut via des investissements et une bifurcation du modèle productiviste. Le consumérisme effréné mène dans le mur avec des échanges dans tous les sens de la planète ; c’est pourquoi le Parti de Gauche défend le protectionnisme solidaire afin de relocaliser les activités.
Alors que les libéraux et médias ne pensent qu’à la «compétitivité», le problème réel, c’est le coût du capital et la ponction des actionnaires qui augmente ! Notre solution par la demande, c’est la relance de la consommation populaire via la hausse des salaires et un pôle public bancaire prêtant aux entreprises à des taux réduits et sans frais. La réduction du temps de travail, l’embauche dans le secteur public et des nouveaux droits pour les salariés éradiqueront la précarité et le chômage de masse.

Réduire aveuglément le déficit implique des impôts supplémentaires pour les ménages et les classes moyennes et populaires (puisqu’ils sont plus nombreux pour les libéraux et que les riches sont supposer créer de l’emploi – ce qui au passage n’a aucun fondement réel comme l’attestent l’accumulation récente et une des crises les plus graves de l’histoire économique) et des baisses dans les dépenses (investissements et services publics). Cela veut dire augmenter les profits privés pour fermer des écoles, des hôpitaux et des palais de justice.
Selon les libéraux, cela est censé augmenter l’investissement. Mais personne ne va investir si les perspectives de la demande sont négatives. C’est l’inverse même, c’est parce que l’activité augmente que les recettes des entreprises progressent et donc peuvent investir car leurs perspectives sont bonnes.

Boris Bilia, responsable du secteur Argumentaires du Parti de Gauche

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