Le problème, c’est le coût du capital

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A écouter l’ensemble des « experts » et des « économistes » qui, de plateaux TV en émissions de radio, d’articles en articles, récitent benoitement l’abécédaire du néolibéralisme, le principal problème aujourd’hui en Europe serait le « coût » du travail.

En bref, les salariés coûteraient trop cher, et c’est leur coût qui serait la cause du chômage car il limiterait la volonté d’embaucher des employeurs. Le chômage atteint aujourd’hui un niveau record dans la zone euro, touchant 12,2% de la population active. La solution pour les libéraux au pouvoir dans toute l’Europe est claire : diminuer les dépenses publiques et réduire les salaires au maximum, que ce soit en baissant le salaire versé directement aux salariés (salaire net) ou le salaire socialisé (cotisation sociale).

Cette politique de l’offre qui vise à baisser au maximum le coût des marchandises en s’attaquant aux salaires, à la protection sociale et en accumulant les cadeaux fiscaux au patronat (dont le plus flagrant est sans aucun doute les 20 milliards annuels du CICE), plonge aujourd’hui la France et l’Europe dans le désastre. Elle prouve chaque jour son inefficacité. Si elle est mise en œuvre, ça n’est donc pas pour relancer l’activité ou combattre le chômage. L’austérité est là car elle sert les intérêts de la classe dominante, c’est-à-dire des actionnaires.

C’est le travail qui crée la valeur

Le terme même de « coût du travail » est une aberration. Le travail, par essence, ne peut pas avoir de coût puisque c’est lui qui crée la valeur. C’est l’homme qui, par son travail, donne un sens au monde. Comme l’ont montré Smith et Ricardo, toute production vient directement ou indirectement du travail humain, et c’est la quantité de travail nécessaire à la fabrication d’une marchandise qui détermine sa valeur d’échange. Marx a  ensuite précisé que, si les actionnaires peuvent percevoir un profit, c’est en extorquant aux salariés une partie de la valeur ajoutée qu’ils ont créée. Le coût du capital, c’est cette part de la valeur ajoutée qui est ponctionnée par les actionnaires. « Le capital est semblable au vampire : il ne s’anime qu’en suçant le travail vivant et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage », résume Karl Marx dans le livre I du Capital.

C’est donc le capital qui a un coût et non pas le travail. Et ce coût ne cesse de s’accroître. Il comprime les salaires, l’investissement, les impôts versés à l’Etat. Les entreprises françaises distribuent aujourd’hui 7 fois plus de dividendes qu’il y a 20 ans. Les actionnaires ponctionnent  en dividendes 9% de la valeur ajoutée, ce qui est un record depuis la Seconde Guerre mondiale. Entre 1999 et 2008, les firmes allemandes ont réduit leur taux de versement des dividendes d’environ 10 % tandis que les firmes françaises augmentaient ce taux d’environ 50 %. Le coût du capital ne cesse de progresser ces dernières années en France et les grandes entreprises sont de plus en plus privilégiées. Elles bénéficient de plus de 30 milliards d’euros par an d’exonérations de cotisations sociales et de 172 milliards de niches fiscales selon la Cour des comptes. Résultat : dans l’industrie manufacturière, qui est la plus soumise à la concurrence internationale, le « coût » horaire du travail français est inférieur (33,8 euros) au coût allemand (35 euros).

C’est le capital qui détruit l’emploi

Les conséquences sociales de cette ponction grandissante du capital sur la valeur créée par les salariés sont innombrables. Les entreprises investissent de moins en moins, et tout projet qui ne promet pas un retour sur investissement suffisant aux yeux des actionnaires est abandonné. Les plans sociaux non justifiés économiquement se multiplient. Dernier exemple en date : Alcatel-Lucent, qui vient d’annoncer la suppression de 20% des effectifs français soit 900 postes en France et 10 000 dans le monde.  C’est le cinquième plan social en France depuis 2007. Les salariés payent le prix fort des erreurs des dirigeants qui, obsédés par la création de valeur pour les actionnaires, ont commis d’innombrables bévues stratégiques et technologiques. Autre exemple : la société ODCF-Wayne Dalton, qui fabrique des portes de garages, a été liquidée par l’actionnaire alors que ses ventes étaient en hausse quasi continue et qu’elle est leader sur ses marchés. Il avait auparavant pillé son capital et ruiné l’entreprise en lui imposant des prix de composants exorbitants.

Au-delà des fermetures d’entreprises, dans tout le pays, les salaires sont gelés, la flexibilité s’accroit, tandis que les actionnaires se goinfrent de plus en plus. Le capitalisme est un système organisé autour de l’intérêt de quelques-uns et non autour de l’intérêt général.

Et le capital détruit aussi l’environnement

La course au profit conduit à une logique de court terme très éloignée de la réflexion de long terme qu’exige la nécessaire transition écologique.  A toutes les étapes du processus de production, les exigences de rentabilité ont pour conséquences des dommages irréversibles pour l’environnement.

Lors de l’extraction des matières premières d’abord. La recherche effrénée du profit conduit à la prédation et à l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles. Cette année, le jour du dépassement (date à laquelle l’humanité a consommé les ressources naturelles que la terre est capable de produire en un an sans compromettre leur renouvellement) a été atteint le 20 août. Trois jours plus tôt que l’année dernière.

Lors de la transformation ensuite. La compression des coûts conduit à des délocalisations qui accroissent la pollution par les transports et incitent au dumping social. Cette volonté de réduire les coûts pousse également les entreprises à négliger les précautions les plus élémentaires en matière de sécurité. On se rappellera à ce propos qu’avant la catastrophe nucléaire de Fukushima son opérateur privé Tepco a dissimulé des dysfonctionnements pour ne pas faire chuter le cours de son action.

Lors de la vente enfin. La nécessité d’écouler toujours plus de produits pour générer plus de profit mène à un consumérisme forcené, à la surproduction de biens périssables et à l’invention perpétuelle de nouveaux besoins.

Cette logique extractiviste, productiviste et consumériste a pour résultat l’épuisement des ressources naturelles, la destruction de la biodiversité, le dérèglement climatique, la pollution de l’air, de l’eau et des sols. Ces dégradations de l’écosystème ne sont pas seulement regrettables, elles menacent la possibilité même d’une vie sur terre. Le système capitaliste n’a pas d’autres finalités que la hausse du coût du capital, au mépris du respect de la vie. Face à cela, nous proposons l’écosocialisme, c’est-à-dire le prolongement de la dimension internationale de la lutte anti-capitaliste dans la revendication universelle d’une planète vivable pour tous les êtres vivants.

Guillaume Etievant, Secretaire National à l’économie du Parti de Gauche.

Nowlenn Neveu, co-présidente de la commission économie du Parti de Gauche.

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